Différences entre effet toboggan et cascade d'interventions

Pour expliquer combien l’accouchement est assailli de protocoles délétères via l’ultra-médicalisation, beaucoup parlent de « l’effet toboggan » ou de « cascade d’interventions » (dite aussi « spirale interventionniste ») comme si c’était la même chose. Alors que pas du tout ! Du moins, il y a des nuances. Pour ne plus les confondre, je vais préciser ce que sont l’un et l’autre.

La cascade d’interventions lors de l’accouchement

Commençons par définir le mot « cascade ». Selon Le Robert : « Nom féminin. Ce qui se produit par saccades, par rebondissements successifs. » Selon le Larousse : « Grande abondance, flot soudain de choses. Une cascade de citations. »

💧Donc la cascade d’interventions définit un enchaînement linéaire de protocoles médicaux, qui, sous couvert de sécurité, est mis en place dans un but de logistique et d’usinage des accouchements : tout le monde sous perfusion, tout le monde sous monitoring, et tous les cols d’utérus surveillés toutes les heures. (Dans cette logique de domination productiviste, certains ne se cachent même pas de rêver mettre tout le monde sous péridurale.) Bref.

La cascade illustre une succession : un acte médical qui engendre un problème, lequel sera résolu par un autre acte médical qui engendrera encore un autre problème et ainsi de suite. Par exemple : rupture artificielle de la poche des eaux pour accélérer le travail, mais dilatation inefficace, donc césarienne, puis cordon coupé immédiatement, donc réanimation du bébé. Ou : monitoring continu, donc mère sur le dos, douleurs majorées, ce qui amène à demander la péridurale, ce qui amène à la poussée dirigée, l’épisiotomie, les forceps. Ou encore : touchers vaginaux répétés sur poche des eaux rompue, infection, antibiothérapie pour tout le monde. On peut encore illustrer encore de maintes façons, chaque protocole étant à lui seul un carrefour d’arborescences menant à des (potentielles ou réelles) complications.

Comme le disait déjà en 1994 le Pr Malinas dans le Le Dauphiné libéré : « L’obstétrique traditionnelle consiste à surveiller un phénomène physiologique en se tenant prêt à intervenir à tous les instants. L’obstétrique moderne consiste à perturber ledit phénomène de telle sorte que l’intervention devienne indispensable à l’heure exacte où le personnel est disponible. C’est beaucoup plus difficile. »

C’est un peu l’histoire de la peau de banane sur laquelle on glisse. Ou celle du pompier pyromane, lequel vient ensuite en sauveur. Ou encore celle du triangle de Karpman : la femme (victime) le professionnel de santé (sauveur) le législateur de l’organisation du système de santé (persécuteur). Et la pièce de théâtre peut commencer. Mais revenons à nos moutons.

L'effet toboggan lors de l’accouchement

Commençons par définir le mot « effet ». Selon Le Robert : « Nom masculin. Ce qui est produit par une cause. Rapport de cause à effet » Selon le Larousse : « Nom masculin. Résultat, conséquence de l'action d'un agent, d'un phénomène quelconque ».

🛝 Donc, l’effet toboggan définit l’action de (littéralement) pousser (précipiter) chimiquement ou mécaniquement le corps de la femme et du bébé dans le processus de l’accouchement. (lequel est de base un processus involontaire). Les déclencheurs sont effectivement certains protocoles médicaux, qui peuvent alors provoquer in fine la cascade d’interventions (mais pas forcément, lorsque par exemple une femme subit un décollement de membranes sans le savoir, que ça déclenche l’accouchement, sans pour autant subir ensuite d’autres protocoles).

En créant ce concept (*), mon idée était de se représenter cette pichenette dans le dos, cet effet de surprise (non consentement) et de descente forcée, parce que un ou des protocoles médicaux ont joué le rôle de déclencheur, ont joué le rôle du mauvais blagueur qui pousse son copain pour lui faire dévaler la piste de ski par surprise, mais qui finit la tête à l'envers. Or tout parent ou surveillant de crèche SAIT qu’on ne pousse JAMAIS un gosse sur un toboggan, que c’est dangereux ! Alors, pourquoi y pousser les femmes ?! Bref.

Cette métaphore illustre, AUSSI et surtout, le fait de se retrouver dans un corps dans lequel la régulation biologique (homéostasie) n’est plus aux commandes, un corps coincé dans le tube du toboggan, duquel on ne peut débarquer. C’est particulièrement le cas avec la perfusion contenant du Syntocinon qui crée de la surprise (ressenti de ne plus gérer l’intensité et douleurs des contractions), du non consentement (car distillé à l’insu du plein gré de la patiente), un état de glissement par le fait de ne plus être au volant de son accouchement (l’hormone de synthèse bloquant l’ocytocine naturelle) et in fine place la femme dans la position de demander la sainte péridurale (résultat elle se sentira inapte, et ultérieurement coupable de n’avoir pas été à la hauteur, si elle avait le projet d’accoucher sans péridurale au départ).

Je résumerais donc les choses ainsi : l’effet toboggan, c’est un protocole médical qui joue le rôle de déclencheur, et pousse (précipite) chimiquement ou mécaniquement le corps de la femme (et du bébé) dans le processus de l’accouchement, la privant de surcroît d’en être aux commandes biologiques. La cascade d’interventions est alors la résultante de l’amorce, de l’allumage de la mèche.

📌 Nota : non, le test de grossesse ne marque pas le début de l'effet toboggan, comme j’ai pu l’entendre sur les réseaux sociaux. Mais si l’auteur voulait parler de cascade d'interventions, en effet cela s’y prête carrément : alors qu’autrefois on vivait les premiers mois de grossesse en intimité avec son corps, le test (disponible en grande surface !) projette maintenant la femme dans une aventure et une prise en charge médicalisée précoces. Donc pas d'effet toboggan avec le test de grossesse car il ne prive PAS la femme de rester au volant du processus de la grossesse, ne la place PAS sous médication en flinguant son équilibre hormonal, ne la pousse PAS dans le dos à son insu ni ne la coince « dans le tube ».

(*) Petit historique, chronologie et détournement

🕰️ L’effet toboggan est un concept créé par moi, Sophie Lavois, au début des années 2000. Je l’ai partagé dans mes ateliers en présentiel, avant l’avènement des réseaux sociaux, et avant tout, sur la première liste de discussion yahoo-groupes (Liste-Naissance) aux débuts de l’Internet, où tout était encore à taille humaine dans le milieu associatif et militant. À cette époque, mon amie Stéphanie St Amant (**) en faisait aussi partie et elle travaillait sur sa thèse de doctorat en sémiologie, qu’elle a finalement soutenu et publié en 2013 : Déconstruire l'accouchement : épistémologie de la naissance, entre expérience féminine, phénomène biologique et praxis technomédicale. (Université du Québec à Montréal, Canada) À travers cet héritage de grande qualité devenu une référence, elle a contribué à faire connaître ma métaphore du toboggan.

Mais… je n’ai pas eu le temps de préciser plus de détails à cette époque. Après avoir donné naissance à plusieurs bébés de 2007 à 2011, je plongeais en 2013 dans une longue suite d’adversités. Violences, divorce puis procédures, maladie, et d’autres choses encore dont je parlerai ultérieurement, sites web hackés... J’ai d’ailleurs perdu le nom de domaine projetdenaissance.com à ce moment là car je pensais même lâcher ma casquette d’autrice et de consultante périnatale, et tourner la page. Et voilà qu’après cette longue absence, je constate que « l’effet toboggan » est repris sans jamais me citer, ou mal expliqué. Décidément non, après toute la poussière que j’ai mangé, et parce que la filiation des idées est importante, je ne me laisserai pas invisibiliser, même si cela me coûte de devoir dire « moi, je ».

Depuis des décennies, toute une généalogie de femmes a travaillé sur le sujet de la naissance respectée. Cette histoire est importante pour se situer dans le temps, savoir pourquoi on en est là aujourd’hui et qui transmet quoi et comment. Donc voilà, 2025 est l’heure des précisions. Petit à petit, je reviens à la vie, je remets tout en ligne sur naissancealchimique, j’apparais un peu plus sur les réseaux sociaux. J’espère même renouer avec l’énergie de 2018 quand je faisais alors un live Facebook hebdomadaire, avant qu’un autre tourbillon ne me happe. Et puis j’ai des projets, plein de projets ! Il paraît que c’est bon signe. À tout bientôt. Merci de m’avoir lue.

🔗 (**) Isabelle Challut a relaté le contexte bouleversant du décès de Stéphanie Saint Amant en 2017 dans un magnifique article, que je vous encourage à lire.

🛝 Pour aller plus loin : lire sur ce blog l'article Qu'est-ce que l'effet toboggan lors de l'accouchement ? Un poster gratuit y est téléchargeable en version PDF haute définition.

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